mercredi 9 mars 2022

Zoonbar, le Sombre Évangéliste / Zoonbar, the Dark Evangelist

 (English translation is available below)

Gindar Milk, disciple
du sombre Zoonbar
Cela fait plus de deux mois sans mise à jour, et je le regrette. Malheureusement, j'ai peu de temps à consacrer au blog actuellement, notamment parce que je travaille à mon rythme sur un autre projet pour WFRP, sur le même modèle que pour les Sables Périlleux. J'espère pouvoir vous le proposer un de ces jours ! D'ici là et pour me dégourdir l'esprit, voici un autre dieu du Chaos oublié dans les tréfonds de l'histoire de Warhammer.

Tout comme Alaman, Gorth ou Dim Ponn, Zoonbar est l'un des vassaux de Khorne mentionné dans un vieux, très vieux pamphlet accompagnant des figurines de guerriers du Chaos, en 1983. Tour à tour mentionnées comme des divinités mineures ou des aspects du dieu Khorne, ils peuvent tout à fait être les deux en même temps. On oublie souvent que les démons affiliés aux Quatre sont une émanation de la divinité qu'ils servent, alors qu'ils sont aussi en capacité de se rebeller contre leur maître, le trahir et changer d'allégeance, voire tenter d'accaparer le pouvoir pour eux-mêmes. De ce point de vue, et comme indiqué dans un article précédent, il n'y a donc aucune raison pour que des êtres extrêmement puissants puissent à la fois être divinités et des aspects d'entités auxquelles elles sont inféodées. Dans le cas de Zoonbar, le dieu est d'emblée décrit comme la part de néant au fond de l'esprit de Khorne. Associé à la stupidité dont sont affublés ses guerriers, cette amorce permet comme pour les entités précédentes de trouver un développement plus large à Zoonbar, un socle qui puisse le rendre intéressant en tant que patron divin mais également en tant que créature du Chaos. En effet, on ne peut pas dire que la stupidité soit un don enviable, mais la rapporter au rôle de Zoonbar dans la Cohorte de Khorne me paraissait approprié et permet de lui donner un sens nouveau.


Zoonbar

la Grande Vacuité, la Sombre Indolence, l’Insondable Évangéliste

Entité étrange et apathique, Zoonbar semble ne pas avoir sa place dans les éternels remous et flux des Royaumes du Chaos. Masse lente et monolithique, loin des soubresauts exubérants et anarchiques, Zoonbar symbolise la fin, l’absence de réflexion et la dévotion aveugle. Il dénote parmi les vassaux de Khorne, mais la Grande Vacuité est bel et bien une divinité chaotique intrinsèquement liée à la violence et à la guerre. Il en représente le traumatisme, le vide intérieur et l’incapacité de faire face à ses démons. Il préside à l'absence de remords autant qu'à la douleur, aux cauchemars qui hantent aussi bien les victimes que les bourreaux. En tant membre de la Cohorte de Khorne, il symbolise le vide insondable tapi aux tréfonds de la psyché du Dieu du Sang et de ses fidèles, l'abîme formé par des millénaires de combats, de haine et de violence jusqu'à anesthésier l'être de toute forme de compassion, d'émotion ou de regrets. Il incarne le détachement qui permet à des milliers de guerriers de faire leur besogne sans une once de repentir ou d'empathie pour leurs victimes. En outre, il est le prédicateur de Khorne, celui qui par sa capacité à induire l'oubli et l'allègement de la culpabilité permet à la violence de s'exprimer de façon débridée, débarrassée de toute forme de conscience. 

Zoonbar est la plupart du temps représenté par un trou béant, une masse paradoxale de vide aussi sombre, glaçante et hypnotique qu’un trou noir. Il est également parfois figuré comme un homme couturé de cicatrices, au teint blafard, affalé sur son trône et poussant un perpétuel cri silencieux. Son expression figée ne reflète rien d’autre qu’une indicible terreur mais, parmi ceux qui ont parfois le malheur de le voir dans leurs visions certains y voient plutôt une promesse, celle que la fin est proche et qu’il est temps de faire cesser la douleur qui torture l’humanité.

Zones d'influence


Zoonbar n'est pas une divinité très populaire, mais elle reste cependant présente partout où des conflits meurtriers peuvent survenir. Toute population traumatisée par les horreurs de la guerre, tout individu soumis à tellement de brutalité que son esprit se brise, est en mesure de percevoir la longue plainte morne de l'Indolence. Il est plus prégnant dans les cultures et les régions qui ne considèrent pas la guerre et la violence comme un mode de vie glorieux, mais même parmi ces peuples il subsistera toujours des individus dont la sensibilité et l'empathie sont plus élevées, dont la carapace psychologique finira par céder. On appelle très rarement Zoonbar de ses vœux car son nom n'est consigné que dans les ouvrages les plus confidentiels, mais il répondra parfois aux soldats exténués qui, la nuit, sanglotent en revivant les déprédations qu'ils ont pu causer et les crimes qu'ils ont commis, ou aux survivants de quelques massacres odieux, et qui espèrent tous être libérés de leurs tourments.

Symboles

De façon cohérente avec ce qu'il incarne, Zoonbar ne dispose pas réellement de symbole propre. Ses fidèles sont bien trop déconnectés de la réalité, bien trop heureux de ne plus ressentir pour pouvoir songer à lui attribuer un objet ou un signe en particulier. Les cultistes de Zoonbar ne cherchent ni la gloire ni la reconnaissance, et encore moins l'abondance ou la beauté. Il n'aspirent qu'à l'oubli, et n'ont aucun intérêt à exposer de façon cynique ou rituelle leur allégeance. Cependant, ceux qui vénèrent Zoonbar se reconnaissent souvent immédiatement, en plongeant dans l'abîme insondable de leurs regards, aussi ternes, profonds et froids qu'un lac d'eau gelée.

Tempérament

Zoonbar est une entité effacée, essentiellement silencieuse, et n’a presque aucune interaction avec les autres Puissances, hormis Khorne lui-même. Au sein des Royaumes, ceux qui cherchent à écouter Zoonbar n’entendent qu’une longue et lugubre plainte ininterrompue et monotone, qui résonne parfois aux oreilles des quelques malheureux habitants des royaumes mortels qui y seront sensibles. La plupart des autres entités chaotiques l’évitent ou l’ignorent car l'Indolence ne représente pas en soi une menace pour eux, mais si certains songent à s'en prendre à une proie en apparence si facile, rares sont ceux qui oseront le faire, car il règne sur la douleur, les remords mais aussi l'effacement de l'être au profit d'une bienheureuse indolence et les démons, en tant qu'entités psychiques, peuvent y risquer leur existence même à moins qu'ils ne deviennent de nouveaux pantins serviles soumis à l’Évangéliste.

Le culte de Zoonbar


Ceux qui font appel à Zoonbar sont, comme souvent chez ceux qui se soumettent aux Puissance de la Ruine, des désespérés. Soldats abîmés par la guerre, individus dont l’esprit est brisé par la violence et parfois le remord, tous aspirent à oublier les atrocités auxquelles ils ont pu assister, voire engendrer eux-mêmes. Rongés par les abominables souvenirs qui les hantent jour et nuit, ceux qui prient pour être soulagés de leurs tourments voient parfois leurs prières exaucées par la Vacuité. La divinité leur accorde une forme de répit, anesthésiant leurs esprits et rendant nébuleuses les visions d’horreur qui les accablent continuellement. Ces fidèles, soulagés par l’attention continuelle de leur divinité, se meuvent alors continuellement dans une sorte de rêve dont ils n’émergent presque jamais, et pour leur entourage semblent constamment effacés, ailleurs. Les plus favorisés par Zoonbar deviennent presque complètement apathiques et, s’ils sont capables de communiquer, de se nourrir et de vaquer à leurs tâches quotidiennes, le font comme des automates dénués d’esprit et de volonté, d’une façon lente et perturbante, délivrés de leur indépendance d'esprit et de leur capacité de raisonnement en même temps que de leurs regrets. Les plus dubitatifs parmi les érudits qui connaissent l’obscur nom du Grand Vide chercheront longtemps quel attrait cette entité pourrait bien représenter pour un mortel semblant baigner dans une torpeur perpétuelle, mais ceux-là n’auront probablement jamais connu la souffrance véritable, celle que l’on se voit infliger au combat ou qu’on fait subir aux autres. Il est des traumatismes qui ne quittent jamais l’esprit et bien souvent, les mortels sont trop faibles pour affronter leur passé et cherchent à le fuir, l’assumer ou faire la paix avec eux-mêmes. Ceux qui n’y parviennent pas risquent de se trouver piégés dans leur propre psyché, ressassant éternellement leur traumatisme et c’est par cette brèche psychologique que Zoonbar s’engouffre, leur offrant la bénédiction de l’oubli et de l’indolence.

De fait, les fidèles de la Vacuité, libérés de leurs émotions, de leurs rancœurs et de leur souffrance, cherchent souvent à propager la parole rassurante de leur maître et prônent l’oubli, total et absolu. Les rares bandes de pillards ou de guerriers du Chaos qui se fédèrent autour de la croyance en Zoonbar sont souvent des zélotes qui, au milieu de la langueur offerte en récompense par leur dieu, reçoivent une révélation : le monde ne sera sauvé de ses tourments que quand tout souvenir, tout remords et toute peine auront disparu. Ils cherchent donc à propager la bonne parole et se voient comme les apôtres de l’oubli libérateur, de l’insensibilité qui provient de l’indolence et les élus qui préserveront l’humanité de la souffrance, en libérant tous les individus de leur capacité d'empathie.

Il serait tentant de penser que tous ceux capables d'exécuter froidement un innocent, de verser le sang sans la moindre émotion, seraient des adeptes de Zoonbar. De la même façon, un érudit peu versé dans les méandres de la psyché humaine pourrait s'indigner de voir un orphelin, un vieux soldat estropié ou une veuve esseulée rester froid et sans émotion face à sa situation ou vis-à-vis des horreurs du monde qui l'entoure et pourrait être prompt à les accuser d'être des disciples de l'Indolence. Toutefois, de tels comportements n'ont rien de surnaturels et ne sont pas nécessairement induits par une obscure entité démoniaque. En revanche, ils peuvent découler de traumatismes et créer une situation qui sera favorable à Zoonbar. Ainsi ce dernier, à l'instar d'autres divinités, se contente de s'insinuer dans l'esprit de ceux qui sont réceptifs à ses préceptes et à ses promesses. Il est en conséquence très peu probable qu'un assassin incapable d'éprouver des remords puisse être touché par la bénédiction de Zoonbar, car il lui manque justement l'empathie nécessaire pour pouvoir un jour exprimer l'envie de fuir son passé et de regretter ses actes. En revanche, un orphelin traumatisé par la perte sa famille, dans son désir de soulagement, pourrait être tenté de se soumettre à la divinité.

Comment utiliser le culte


Il est difficile d'utiliser les cultistes de Zoonbar car ils ne manigancent en général rien et ne cherchent la plupart du temps pas à provoquer des conflits à grande échelle ou de catastrophes. Cependant, un disciple particulièrement béni par sa divinité pourrait tenter de propager sa foi, et faire progressivement tomber une communauté, partiellement ou en totalité, dans une espèce de rêve morne et routinier sans aucune connexion avec le monde extérieur. Ceci pourrait avoir plusieurs objectifs : une population insensible à la souffrance d'autrui, ou totalement hermétique aux enjeux politiques ou économiques du moment, pourrait causer de graves troubles dans une ville ou une région car ces individus deviendraient totalement inutiles en terme de soutien, voire dangereux si on tente de les détourner de leurs état d'inconscience éveillée. Pour peu qu'un adepte ait assez d'emprise sur ses ouailles, il serait même capable de lancer une sorte de croisade pour libérer le reste de la population de ses souffrances en mettant un terme à leur vie. 

À une échelle plus individuelle, un fidèle de Zoonbar sera prompt à ignorer toute forme de douleur et à abandonner autrui à son sort, à moins que le traumatisme qui l'a initialement conduit vers la divinité ne lui soit rappelé. Auquel cas, il est parfaitement capable de faire preuve d'une violence extrême, bien qu'anarchique, contre tous ceux qu'il estime être en train de le persécuter, ce qui pourrait en faire par exemple le coupable d'un meurtre inexplicable, son apathie habituelle et bien réelle ne semblant pas cohérente avec le fait qu'il puisse être un coupable potentiel. De son côté, un adepte ayant atteint l'illumination et cherchant à apporter la parole réconfortante de l'oubli à ses contemporains pourra, lui, aussi bien droguer des gens qu'il estime souffrir pour leur retirer leur capacité de raisonnement qu'haranguer les foules et leur dire de ne pas céder à la paranoïa que tente d'instiller, par exemple, le burgmeister d'une ville appelant sa population à se préparer à une attaque d'hommes-bêtes. Souvent, les adeptes de Zoonbar cherchent à endormir la méfiance, faire taire les pensées et faire plonger les gens dans une telle indifférence et une telle atonie qu'ils en oublieront de se défendre, de se nourrir ou de se laver, les poussant ainsi à une mort lente et inéluctable. 

Qu'ils se lancent dans des actions violentes ou non, les disciples de Zoonbar sont destinés à dépérir, certains finissant dans leur torpeur par cesser de s'alimenter ou de de soigner, et leurs âmes sont condamnées à rejoindre la Grande Vacuité. La seule variable reste le nombre d'innocents qu'ils seront capables d'entraîner dans leur chute et dont les existences viendront alimenter l’Évangéliste et son maître.