lundi 10 juillet 2023

L'Arabie et les femmes - derrière le voile / Araby and women - beyond the veil

Louis Girardot - Une fille du Maroc
(English translation is available below.) 

[petite correction le 13/07/2023 : les deux derniers paragraphes étaient inversés et donc incompréhensibles.]

Un nouvel article sur l'Arabie, et plus précisément sur un thème sur lequel je voulais dès le début me pencher attentivement pour les Sables Périlleux : les femmes et leur place dans la société. C'est presque littéralement la première chose sur laquelle j'ai écrit en commençant le supplément, car cela faisait partie des éléments très clichés que je voulais détourner pour présenter une Arabie non pas obtus et rétrograde, mais "normale", avec ses biais culturels, ses défauts aussi bien que ses progrès. Bien évidemment, ce n'est pas pour autant que je voulais laisser complètement le cliché de côté, mais il est bien plus intéressant de se servir de ce genre d'éléments pour comparer une vision "occidentale" d'une culture, comme peuvent l'avoir les Bretonniens ou les Impériaux, à la réalité des populations. En parlant de clichés détournés, j'estime par ailleurs que l'inverse est vrai aussi : le cliché du barbare inculte existe dans la société arabienne pour décrire les habitants du Vieux Monde et, comme tout cliché, celui-ci se base sur des éléments "réels" (bien que fictifs, nous restons ici dans le cadre d'un univers de fiction, il n'est jamais inutile de le rappeler) mais largement amplifiés ou déformés par l'ignorance. 

Voici donc un point sur la représentation de la femme arabienne dans Warhammer au travers des sources sur lesquelles je me suis basé. On y trouvera des passages sur des personnages précis, mais également des informations plus générales quand elles sont disponibles.

Andromède dans une copie du
Livre des étoiles fixes de
Abd al-Rahman al-Sufi, vers
le milieu du XIe siècle

Je précise d'emblée que, même si j'utilise quelques peintures orientalistes comme illustration, je connais bien les problèmes de représentation de ce courant artistique, victime là encore autant des clichés et fantasmes sur le Moyen Orient que d'une mauvaise compréhension des structures sociales locales. Ces soucis portent cependant moins sur les détails vestimentaires ou architecturaux que sur une représentation trop souvent faussée du harem, réduit chez certains à une cage dorée coupée du monde extérieur et où les femmes passent leur temps couchées lascivement. Bien évidemment, c'est faux : j'ai voulu immédiatement rappeler, dans les Sables Périlleux, que le "harem" (qui désigne en premier lieu le groupe de femme et pas le lieu, d'où les guillemets ici) est en premier lieu un espace de culture, où les femmes apprennent musique, littérature et langues, et où les jeux de pouvoir s'exercent souvent entre concubines pour prendre l'ascendant sur leur suzerain et permettre à leurs enfants de devenir des héritiers légitimes. Par ailleurs, je ne fais pas de lien spécifique entre les images et les textes qu'elles accompagnent : ils 'agit simplement de montrer quelques magnifiques représentations de costumes traditionnels algériens, marocains, turcs, tunisiens, berbères, anatoliens, pour illustrer la diversité des couleurs, des styles et donc des traditions locales, diversité et richesse qu'on peut tout à fait appliquer à l'Arabie de Warhammer.

Bol à friture représentant cinq femmes
et un homme (tout à gauche), à Kashan, Iran

Autre rappel (déjà fait plus haut, mais ce n'est jamais inutile à mon sens), Warhammer est un univers de fiction qui reprend les clichés de notre monde bien réels pour offrir un contexte cynique ou parodique de nos sociétés terrestres. Si la Bretonnie est un patchwork d'une Angleterre arthurienne et d'une France boueuse (soupir...), l'Empire est une version fictive et fantasy du Saint Empire Romain Germanique des Habsbourg. Il en va de même pour l'Arabie qui, dans ses diverses apparitions, est essentiellement un mélange (mâtiné de fantasy) d'une péninsule arabique pré-islamique, de l'Empire ottoman et d'autres éléments comme les tribus berbères. L'inspiration est évidente et logique, récurrente dans les univers de fantasy présentant une civilisation "arabe" : les Contes des Milles et Une Nuits et l'Empire ottoman, soit les textes proche-orientaux les plus connus en Occident (je ne ferai pas de débat sur l'origine des textes en question, ce n'est pas le sujet) et la période souvent considérée comme l'âge d'or de l'islam. Et c'est sur ce dernier point que j'insiste : si Warhammer s'inspire du monde musulman de notre Terre, les Arabiens de Warhammer ne sont pas musulmans et n'ont pas à être considérés comme tels. J'évite autant que possible de parler d'islam en général mais, étant donné les influences, la comparaison revient invariablement. J'insiste donc sur ce point : j'évoque ici des clichés du monde arabe ou perse, certains étant liés à l'islam, mais je ne parle pas d'islam. En particulier et puisque c'est le sujet, on tend à notre époque à présenter la femme musulmane uniquement sous un prisme d'un islam rigoriste alors qu'historiquement, son rôle, sa place et par exemple son habillement est extrêmement varié et bien moins caricatural que ce qu'on veut bien voir aujourd'hui. Je reviendrai sur ce point en conclusion mais je rappelle donc ici que je parle de clichés de notre monde (y compris, en l'occurrence, sur l'habillement) et leur transposition dans un univers de fiction. Je ne lance pas de débat théologique et ne remet, justement, pas en cause les choix des uns et des autres. Bien au contraire, j'appuie sur le fait que les clichés modernes ne représentent pas une réalité historique et je trouve l'uniformisation bien malheureuse.

Passé ce long rappel que je me sens forcé de faire, revenons au sujet.

Cendenai

Remzi Taşkıran

The Voyage South de Nicola Griffith présente l'expédition houleuse d'un frère et d'une sœur bretonniens, qui les amènera à croiser la route d'une flotte arabienne. Je ne développerai pas plus sur le récit, car il n'est pas important en soi ici. En revanche, un des personnages illustre assez bien la façon dont la place de la femme arabienne peut être envisagée. Cendenai est la fille du Sultan d'Aiir, Hamqa le Divin. Voici la façon dont il la présente aux personnages principaux :

"Ah. Introductions, then. Mademoiselle de Courtivron, allow me to introduce myself and my companions. My beloved daughter, Cendenai, captain of the Aramam." He pointed down the table to his left. "Next to her, Mousaou Salah, captain of my fleet. On my right is Adiffrah el Deheb, second steward."

Cendenai n'est donc pas que la fille du sultan, c'est également le capitaine d'un des navires de sa flotte, et même de son navire amiral :

Ariel thought about that for a while, then it was her turn to blush. "You captain his flagship," she pointed out.

Personnalité importante du royaume, donc, elle n'en reste pas moins soumise à l'autorité de son père : 

"Only for as long as he allows it. He can take it away from me any time. He likes to remind me of that."

"Will he?"

"No. I'm one of the best he has" - Ariel could imagine that - "and in his way, he is proud of me."

Un autre passage :

"It has been a custom amongst the male line of the suzerains of Sadiz that the woman from their harem who last had sexual congress with the husband wears an item of the husband's clothing to show her status as favourite. My father's remark is his way of reminding me I'm a woman and should stick to... women's ways." 

Julius Rolshoven - Bédouines tunisiennes

Le fait qu'à la fin du récit Ariel de Courtivron porte une des robes de Cendenai et que soit explicitement précisé me laisse penser que la relation entre les deux personnages est ainsi plus qu'amicale. Mais la question n'est pas là. Pour résumer nous avons ici un personnage féminin fort, en position d'autorité dans la hiérarchie militaire d'un royaume arabien. Elle n'en reste pas moins soumise à son père, mais il est difficile de savoir si cela est dû à sa position familiale (c'est son père), ou militaire (c'est son roi). Toujours est-il que le récit ne montre pas spécialement d'hostilité de l'équipage vis-à-vis de Cendenai et il n'y a donc visiblement aucun problème à ce qu'une femme puisse commander un navire ou obtenir un rang élevé dans l'armée. Là encore, il est délicat de dire si cela vient de sa position (fille du sultan) ou de ses compétences, mais dans la mesure où il n'y a pas d'allusion extérieure, il n'y a aucune raison de penser que ses troupes ne la respectent pas en tant officier militaire.

Cette question de l'habillement fait suite à un autre passage : 

Hamqa smiled complacently. "She looks well in your robe, daughter."

Cendenai tensed; it was slight but Ariel noticed. She cleared her throat, wondered what the correct form of address was.

 Difficile de savoir ici si Hamqa ironise sur les préférences de sa fille ou sur le fait qu'il préférerait la voir porter des vêtements féminins, impliquant par là qu'il désapprouve son engagement militaire, mais Cendenai pense qu'il s'agit de la seconde option. Les différents passages ci-dessous tendent à impliquer que Hamqa consent globalement à céder à un caprice de sa fille, à savoir être le capitaine d'un navire et un officier militaire, mais qu'il serait capable de lui retirer ceci d'un claquement de doigt si elle le contrariait. Une fois encore, difficile de savoir réellement avec ces passages si il s'agit d'une lubie d'un père, d'une situation généralisée parmi les femmes, si cette position particulière vient de son rang sociale.

Autre présence féminine à bord, qui semble ne poser aucun problème à qui que ce soit, Djellah est la petite sœur de Cendenai. C'est elle qui fournit la robe de sa sœur à Ariel par ailleurs, lui proposant également de lui montrer comme elle se met. C'est un détail, mais la robe est bleue, loin d'un cliché de tenue noire maquant le corps, et s'ajuste d'une certaine manière, preuve qu'il existe des modes et des tenues spécifiques à l'Arabie.

Jean Baptiste Vanmour -
Femme turque

Des précédents passages, on retiendra également que les membres du harem du sultan de Sadiz sont ses concubines et qu'il a la possibilité d’entreprendre des relations charnelles avec elles, et ces dernières de manifester les faveurs de leur suzerain en portant ses vêtements.

On notera un autre passage intéressant, vers la fin du récit :

Hamqa followed.

"In the name of the gods, Senduiuiel," he cried running across the deck to where the elf stood as if he had not heard, "stop this!"

Ariel stepped in front of him. "Your Magnificence."

"Get out of my way."

"He requested that none approach him until it was all over."

He tried to push past but she barred his way. "Out of my way, woman."

"Your Exalted Magnificence, I cannot."

He pulled his dagger free from its jewelled sheath. "I haven't time to argue."

"Nor I." She slid her own knife free. For a moment she thought he would attack her, then he threw his knife to the deck.

"I'll have you whipped when this is over."

Ariel ignored him and sheathed her knife. She did not know what else to do.

Hamqa ne la fera pas fouetter, même s'il la menace. Il est une fois encore extrêmement difficile si, dans le feu de l'action, Hamqa en oublie la politesse pour en revenir à traiter Ariel comme on traiterait une femme en Arabie, où s'il la traite simplement comme il le ferait avec n'importe quel intrus, femme ou non. Cependant la situation à cet instant du récit est extrêmement grave et, vu le reste du livre, Hamqa réagit selon moi sous le coup de la précipitation et face à un danger imminent et ferait probablement de même façon à un homme. 

Les Filles de Tariq

La dernière version officielle du livre de règles pour Warmaster, vénérable jeu de bataille de la gamme Specialist, présentait une surprenante liste d'armée pour l'Arabie, la première depuis WFB2. Il en a déjà été question par le passé, le mentionne ici car il y est indiqué que les princes arabiens emploient des mercenaires et parmi les noms de régiments mentionnés figurent les Filles de Tariq. Il n'y a absolument aucune autre précision, mais il est intéressant de noter que des femmes peuvent être déployées au combat, ici dans le cadre d'un régiment entier de mercenaires. Ceci implique deux choses : que les femmes combattantes sont culturellement acceptées par au moins une partie de l'Arabie, et qu'elles peuvent être suffisamment indépendantes pour constituer des régiments de mercenaires. J'extrapole sur le dernier point : dans l'absolu, les Filles de Tariq pourraient tout à fait être des esclaves. 
Dogs of War - WFB5

Cependant, j'ai effectué un rapprochement entre ce régiment rapidement mentionné dans Warmaster avec un autre régiment qui lui n'est pas nommé. Dans le Livre d'Armée Chiens de guerre de 1998, la description de la Principauté de Sartosa mentionne, en terme d'historique, que l'Emir Al Wazaq, qui la gouvernait jusqu'en 1501 CI, avait fait entraîner son harem pour que ses membres soient ses gardes du corps. A la défaite d'Al Wazaq, son harem, qui est qualifié "d'énorme", est recruté comme régiment de mercenaires par les Tiléens qui ont vaincu l'émir ! Un élément de plus pour dire que les Arabiens n'ont pas de problème culturel vis-à-vis des femmes combattantes, et si celles-ci précisément ont été recrutées en tant que mercenaires après la défaite de l'émir, c'est qu'il s'agit d'un choix, les Tiléens n'étant a priori pas esclavagistes à l'époque.

First Citadel Compendium
page 23

J'ajouterai pour la forme que le First Citadel Compendium présentait, en page 23, l'illustration ci-contre. Il s'agit du dessin représentant une figurine dans la gamme des femmes combattantes, et son matériel laisse aisément penser qu'il s'agit d'une Arabienne : cimeterre et casque souvent utilisé pour représenter des Perses. On peut y voir un Khula Khud pointu, doté d'une cotte de mailles protégeant l'arrière et les côtés du crâne, mais surtout un casque turban, utilisé par l'Empire Ottoman et d'autres nations musulmanes, et dont le "turban" était généralement une décoration métallique. On peut en admirer un magnifique exemplaire au Louvre Abu Dhabi. Ici, le turban pourrait tout aussi bien être en tissu et le casque posé par dessus.

Khar-mel la Djinn

Dans le Town Cryer 21 figurent quelques mercenaires destinés à être utilisés pour Mordheim, dans le cadre d'une campagne en Arabie. L'un d'entre se trouve être Khar-mel, une Djinn qui aime se mêler aux humains et qui est, à l'époque de la campagne, relativement connue des Arabiens eux-mêmes. Il ne s'agit certes pas d'une Arabienne en soi, mais elle se présente généralement comme une belle Arabienne d'une trentaine d'année et se bat sans armure, à l'aide d'un cimeterre. Encore une fois et pour rejoindre les quelques exemples précédents, personne ne semble avoir de problèmes avec une femme combattant l'épée (et la magie) à la main.

La Princesse d'Argent

Il y a peu à dire, mais une princesse arabienne est mentionnée dans le Livre d'armée Comtes Vampires pour WFB7 en 2008. On y apprend que 2293 CI, Layla, Princesse de Copher, a visité la cour du Stirland. Il s'agit en réalité d'un vampire et le texte ne dit  pas si elle était réellement princesse ni même arabienne, mais le récit est intéressant car il montre le point de vue d'Impériaux, et la possibilité réelle de mariage entre Impériaux et Arabiens, ici dans le but d'une alliance. On y apprend également que le Chancelier du Compte du Stirland a entendu parler des dots exorbitantes demandées par les seigneurs arabiens pour la main de leurs filles. Qu'importe que "Layla" soit arabienne ou princesse en l'occurrence, ce passage renseigne sur le fait que, comme dans le Vieux Monde, les femmes sont notamment utilisées dans le cadre d'alliance diplomatique, qu'une dot est de mise et que leur statut a un effet considérable sur cette dernière.

La danseuse et la mort 

Gaston Buissière -
La danse des sept voiles

Dans la nouvelle Totentanz de Brian Craig, une danseuse du passé voit son esprit réincarné dans une statue pour sauver un groupe d'Arabiens prisonniers. En effet, ces derniers ont été capturés par le Roi des Tombes de la cité de Zelebzel et Amaimon, un vizir réputé parcourant l'Arabie d'émirat en émirat à des fins diplomatiques et se trouvant être un adepte de la magie, propose un pari au roi Cimejez pour faire libérer les siens. Le pari implique un concours de danse, qui tourne autour des philosophie respectives des Arabiens et des non-morts de la cité. La Danse des Sept Voiles qui est présentée dans le texte résume à elle seule une bonne part de la vie telle que perçue par les Arabiens. Je la résume dans les Sables Périlleux, inutile de la reprendre ici, mais chaque voile représente une étape de la vie de l'être humain, et la danseuse, à mesure qu'elle les retire, progresse dans cette représentation métaphorique de l'existence. l'expression "Danse des Sept Voiles" provient à l'origine de la pièce française Salomé d'Oscar Wilde, en 1891, et a par la suite été très souvent utilisée dans la culture populaire, les pièces de théâtre, la littérature.

Amaimon insiste ici sur le fait que c'est une femme qui doit jouer le rôle du danseur, car seule une femme semble pouvoir exprimer la réalité de la vie arabienne au travers de ses mouvements. Celome, puisque c'est son nom (on reconnaîtra facilement l'inspiration et il est évident que le texte reprend en partie les thèmes de la pièce de Wilde), était danseuse à la cour du roi Luvah de Chemosh, du temps de la splendeur de Nehekhara. Le texte rappelle ainsi au passage qu'Arabie et Nehekhara formait au départ un seul peuple de nomades qui a évolué différemment au fil des siècles entre les cités néhékharéennes, les cités arabiennes et les tribus du désert.

Celome est présenté comme un personnage cultivé, dynamique et volontaire :

Celome had never been taught to dance; hers was a spontaneous act born of inspiration and nurtured by a natural process of growth. She had danced because dancing was the most natural expression of her vitality, and had danced well enough to win the favour of a king who was known throughout ancient Nehekhara as a true connoisseur of that art.

Amaimon was delighted to hear all this. He explained to Celome that she must take part in a competition against a dancer representing the world of the dead - which some called the world of the undead - but that Celome herself would have the privilege of judging the winner.

'I have heard that serpentine lamias are fine dancers,' she said, dubiously. 'I heard, too, that one of King Luvah's courtiers was visited in his dreams by a dancing succubus which charmed the vital fluids from his body. But the real risk is that I might be matched against a wraith who was a famous dancer while she was alive and is now even lighter on her feet.' 

'That is a possibility,' Amaimon conceded, 'but the whole point of the wager is to pit the dance of life against the dance of death. I do not think that Cimejez will pick a champion on the grounds that he or she pleased a human audience while alive. You might be surprised by the nature of your rival - but you will be the judge. You have only to desire to continue to be yourself, to live in Araby as you once lived in Chemosh.'

'I cannot imagine wishing anything different,' Celome told him. 'I am a dancer through and through; it is what I am.'

Je ne reprendrai pas tout le texte de la nouvelle mais je profite de l'occasion pour illustrer le fait que Totentanz prend le contre-pied d'une vision fantasmée des almées, les danseuses du ventre :

'Go to it,' said Amaimon to Celome. 'Make the dead ashamed of their condition, and remind them what it was to be alive.'

And that is what Celome did. She threw herself into the arena and performed the legendary Dance of the Seven Veils.

The vulgar, who have only heard rumour of it, mistakenly think of the Dance of the Seven Veils as a mere striptease, but it is far more than that, for each of the seven veils has its own symbolism and each ritual removal is part of a progress from misery to ecstasy. Each garment represents a curse; as each one is discarded, the dancer advances towards a uniquely joyous kind of freedom.

Jean-Léon Gérôme -
Almées jouant aux échecs

La Danse des Sept Voiles est explicitement un rituel d'une symbolique extrême, très codifié tout en étant synonyme de liberté. Contrairement aux gens vulgaires qui n'y verront qu'un striptease, comme le dit lui-même le texte. On retrouve ici à la fois un cliché, aussi bien interne à l'univers de Warhammer qu'existant dans notre monde, battu en brèche par l'auteur et le narrateur qui rappellent que c'est l'ignorance qui n'en fait qu'une danse lascive et non l'expression d'une culture et d'une tradition. Ceci rejoint parfaitement l'idée que nombre de gens voient les danseuses du ventre comme des filles de petites vertus qui s'exposent alors qu'en réalité les almées, de l'arabe alim (homme ou femme savante), elles sont des enseignantes, des philosophes, des conteuses, des chanteuses, des musiciennes, chargées d'éduquer et de divertir les harems des seigneurs et les seigneurs eux-mêmes. Versées dans la connaissance des plantes et autres matières, elles sont guérisseuses, sage-femmes, enseignent la cosmétique, tout autant que la broderie et le tissage.

Si on ne peut oublier que cette image ne concerne forcément que les plus renommées des almées et qu'il existe alors des milliers de danseurs pauvres ou à minima moins bien perçues, je trouve très intéressant qu'un texte officiel comme celui-ci ne verse par dans le fantasme de l'orientalisme, conséquence d'une mauvaise connaissance de la culture à l'époque, et préfère jouer sur le cliché pour rappeler le rôle essentiel de ces femmes.

La Concubine Douairière

Ce personnage apparaît dans Master of Death de Josh Reynolds, récit de la fuite de W'soran et entre autre de son passage en Arabie. En -1147 CI, la cité portuaire de Lashiek existe déjà et le vampire cherche à la quitter de toute urgence car il est poursuivi par les servants de la Concubine Douairière, mère du calife décédé ayant profité des enseignements de W'soran pour ranimer son corps et continuer à régner à sa place. Il n'y a pas grand de plus à en dire, mais ceci éclaire sur le rôle que peuvent jouer les femmes des harems dans l'exercice du pouvoir, en influençant leurs suzerain et par la suite leurs enfants pour contrôler tout ou partie de la politique d'une famille voire d'un royaume. On imagine les luttes internes qui peuvent agiter les sérails.

Les femmes du Magus

Anecdotique et peu original sur le sujet, le roman Dreadfleet de Phil Kelly montre le Mage Doré arabien entouré, sur son navire, d'un harem de femmes voluptueuses. Elles n'ont aucune incidence sur le récit mais servent à témoigner du luxe et de la volupté de la vie du mage, et on résumera cette mention à ce passage :

The sorcerer steepled a pair of heavily-ringed fingers in front of his lips before shooing his harem girls away. ‘Move, move. The Magus must speak now of matters grim. Leave us, and keep those pretty heads unsullied by talk of violence and revenge.’ 

The harem girls made a great show of dismay, cooing and moaning, but nonetheless melted away into the dark antechamber behind Roth. 

Leur maître ne tient visiblement pas à ce qu'elles se mêlent de ses affaires et ne sont que pour rendre sa vie agréable, il n'y a pas grand chose à en dire.

Les aventures de Gotrek et (surtout) Felix 

Dans la nouvelle The Two crowns of Ras Karim de Nathan Long, les deux compères viennent en aide à un prince en devenir et sa promise. C'est cette dernière qui est en réalité l'héritière du Califat de Ras Karim, mais son époux est semble-t-il celui destiné à la couronne. C'est du moins ce que sous-entend ce passage, entre autre :

Amedeo Momo Simonetti -
Une beauté turque se reposant
sur une terrasse

There had been a wedding, and a coronation. Yuleh, the last of the line of the old caliphs, had crowned Halim with the Lion Crown, then knelt with him before the high priest of Ras Karim to be pronounced man and wife, and caliph and queen, as the multitudes cheered outside the great gold domed temple in the centre of the city.

Pourtant, plutôt dans le récit, il est bien précisé qu'il gouverne comme sa main droite, donc qu'elle reste sensément la seule héritière légitime :

Halim turned to the young woman in black. ‘When the tyrant and his vulture are dead, my beloved betrothed, Yuleh il Toorissi, Princess of the Blood and niece of the old caliph, will ask me, before the spirits of air, land and water, and before the people of the city, to be her husband and rule with her at her right hand.’ He smiled. ‘And with their blessing, I will accept.’

Il semblerait donc que la fonction de calife de Ras Karim soit exclusivement masculine, même si la transmission peut passer par les femmes. Et bien que Yuleh transmette le pouvoir à son mari, il semblerait, d'après cette intervention de sa part, qu'elle en ait tout autant la possibilité ou la volonté farouche de lui retirer si elle le juge nécessaire :

Halim hesitated. He looked toward the door. ‘Ghal may not have been the only conspirator. We may be surrounded by traitors. The palace guard may turn against us. What if I have need of its protection? Of its power?’

Yuleh stared at him, her eyes troubled. ‘Then it will not be Ghal who the snake devoured, but you. And it will be Ghal who walks out of this room, not you.’

Elle a par ailleurs une autorité largement suffisante pour faire plier des gardes obéissant à un calife en place, usurpateur ou non, et ne reste pas en arrière lorsque les rebelles tentent de reconquérir le palais, elle mène les hommes :

 ‘Ghal, call peace at the front gate, and let in the rest of our brothers. Yuleh, go with them. Your presence will win over any hold-outs.’

Une autre chose à noter est qu'hommes et femmes se tiennent ensemble et siègent les uns à côté des autres sans discrimination particulière : 

A handful of men and women sat with them. A proud young beauty sat at Halim’s side, her hand on his. She was dressed entirely in black, from pantaloons to blouse to veil. Her hair was black as well – glossy waves that fell to her waist.

Pas d'image de soumission de la femme donc, même si culturellement, le fait que l'héritage se transmette à l'époux de la fille du Calife la subordonne de fait. Halim, le prince en devenir, ajoute ceci :

‘Wise ruler though he was, the old caliph had a weakness for women of easy virtue, and built a secret passage to that pavilion to smuggle them in.’

Hermann Katsch -
Fille tunisienne avec une cruche

Ras Karim ne semble pas spécialement prompt à avilir les femmes et à les priver d'une certaine liberté de choix et de déplacements. Pas plus qu'une certaine liberté de parole, Yuleh se permettant des commentaires plutôt personnels en public :

‘The second crown, the Serpent Crown, was made for Falhedar by Kaadiq, after the first attempt on his life.’ He sneered. ‘I hear he wears it to bed.’

Princess Yuleh flashed a mischievous grin. ‘I hope you don’t do that, beloved. I would find it very uncomfortable.’

Halim chuckled and squeezed her hand.

Dans la même nouvelle, Felix est abordé par une prostituée. Voici le passage complet : 

As he turned back to tell Gotrek to keep his voice down, Felix noticed a pair of dark eyes looking at him. He stopped, held by their gaze. They belonged to one of the women of the house. She leaned against a fat pillar, staring boldly at him. Behind her translucent veil her full lips curved into a knowing smile. The rest of her voluptuous charms were revealed beneath an equally transparent sleeveless top and pantaloons. Felix gulped. It had been a long, dry journey to Ras Karim. Very dry.

She stepped toward him, her belt of coins jingling softly with each sway of her hips.

‘Greetings, esteemed foreigner,’ she said in a low, honeyed voice.

‘Greetings,’ said Felix, awkwardly. His tongue seemed suddenly too big for his mouth.

‘Would you like to add a coin to my belt?’ she asked, looking up at him through black lashes. She smelled of vanilla and smoke. ‘I have never had the coin of a northman before. I hear they are large, and of very hard metal.’

Felix coughed, blushing. He turned to Gotrek. ‘Gotrek, as we must wait until tomorrow…’

The Slayer shrugged. ‘Do what you will, manling. I’m going to see how much sorghum beer it takes to get me drunk.’ He pounded on the bar again. ‘Barkeep! Where’s that piss water?’

Unclothed but for her veil and her shimmering belt, the dancer’s golden-brown curves were even more astounding. Felix swallowed convulsively as she took his hand and drew him toward the bed, a low, cushioned dais in the centre of her small, opulent room, piled high with silk pillows and overhung with a sheer canopy.

Felix cleared his throat. ‘Aren’t you going to remove your veil?’

‘My veil?’ She smiled as she knelt before him. ‘That would be immodest.’ She began unbuckling his belt. ‘Now, please, tease me no more. I must see what you have in your coin pouch…’

‘Oh, devil of the north,’ cried the dancer a while later. ‘You shake me to my core!’

She clutched Felix to her in ecstasy.

‘Er,’ said Felix, pausing. ‘I think that was the building shaking, actually.’

‘Indeed,’ purred the dancer. ‘So powerful. So potent.’

The room shook again, and this time Felix heard a crash from below.

‘Ah, I think there might be some trouble.’

The dancer pouted. ‘The men fight. They always fight. Forget them, beloved.’ She ground against him. ‘Come, I hunger for you.’

Felix was hungry too, but just as he returned to her embrace, there came a thunderous crash, then a muffled, ‘By Grimnir’s beard, you’ll pay for that!’

More thuds and smashes followed, along with angry cries and the high-pitched shrieks of frightened women.

‘Sigmar curse him!’ groaned Felix. He disentangled himself from the dancer’s arms and reached for his clothes.

‘You leave me, noble warrior?’ she moaned, dismayed. ‘Where do you go?’

‘To speak with a Slayer about timing,’ growled Felix.

Pas la peine d'épiloguer sur le sujet, le passage est là pour rappeler les appétences de Felix et son pouvoir de séduction. Retenons tout de même le comportement de la prostituée, très loin d'être servile. Ce passage, et la mention de quartiers rouges en Arabie par ailleurs, indique simplement que la prostitution féminine y est pratiquée.

Suleima 
Josep Tapiró i Baró -
Une beauté mandarine

La trilogie de romans centrés sur Nagash, écrits par Mike Lee, renseigne sur le personnage de Suleima, Fille des Sables et Épouse de Khsar :

“The Daughter of the Sands has that much power over the chiefs?”

Faisr shrugged. “These days, yes. It wasn’t always so. The Daughter of the Sands used to serve as an advisor to the alcazzar, the chief of chiefs, but there hasn’t been one of those since Shahid the Red Fox died during the war against the Usurper.” The chieftain shook his head. “The seers were the reason that the tribes came here from the desert, centuries ago.”

Ce personnage n'a pas grand chose à voir avec l'Arabie moderne puisqu'il s'agit de l'époque où Nehekhara est encore un royaume humain, mais on peut tout de même voir que les tribus nomades ont ou ont eu des figures féminines de premier plan. Sa successeur, Ophiria, est également partie prenante du récit, et son autorité fait d'elle celle qui désigne le chef des tribus nomades :

A gathering was called, up in the mountains along the northern edge of the plain, and the chieftains met in Ophiria’s tent to press their claim. The competition was fierce, but the outcome was never really in doubt. Seven days later, the Daughter of the Sands appeared and declared to the tribes that Faisr al-Hashim had been acclaimed Prince Faisal, first among the chieftains of the bani-al-Khsar.

Édouard Verschaffelt -
Femmes berbères et enfant

Il est à noter qu'Ophiria y est dite tante de la reine Khalida, et que celle-ci est décrite comme une lectrice avide, mais également comme une femme loin d'être docile, tandis qu'Alcadizzar croyait les femmes nomades discrètes et malléables :

Alcadizzar was surprised to feel Khalida’s arms slide about his waist and draw him close. It made him think of the first time she’d embraced him, on the road to Khemri with the tribes. He’d thought desert women were quiet and pliable back then, Ophiria notwithstanding. Khalida had shown him how utterly wrong his impressions were.

Inutile de revenir ici sur le personnage de Khalida, qui est une reine combattante de Nehekhara, mais je vous souligner ici la mention du fait qu'elle est issue des tribus nomades et ce passage qui montre un cliché interne à l'univers de Warhammer, cliché qui se révèle être bousculé immédiatement.

Dans la continuité de cette série de roman, il est possible de mentionner le rôle de Neferata en Arabie et notamment à Bel Aliad, et le fait que parmi ses acolytes figure une nomade arabienne, mais nous serions un peu hors-sujet.

Shah'Razad

Hugues Merle - Une beauté turque
Pas grand chose à dire sur le sujet, mais Shah'Razad est une figure notable car, comme l'indique la description de son arc dans Relics of the Crusade, les elfes de la péninsule lui en fait cadeau car elle les régalait de ses récits. J'en ai déjà parlé dans un autre article sur les elfes d'Arabie, je ne m'étendrai pas plus dessus mais il s'agit encore une fois d'une figure féminine arabienne qui a traversé le temps. On pourra imaginer que les elfes ne lui ont probablement pas offert cet arc pour qu'elle l'entrepose quelque part, car il y a des cadeaux plus utiles ou plus décoratifs à faire à une princesse. Je l'imagine donc personnellement sachant manier l'arc, que ce soit pour la chasse ou la guerre.

Bien évidemment le personnage est ici une version très concise de la conteuse des Mille et Une nuits.

Jasmina el Al et Laniph, les femmes et la magie

Laniph est une magicienne arabienne mentionnée à deux reprises dans les descriptions de sorts pour WFRP1 et WFB8. Le livre de règle de WFB8 dit d'elle qu'elle était capricieuse et habitée d'une passion ardente. La Caresse de Laniph, un sort du Domaine de la Mort, semble ramener son esprit du trépas pour s'en prendre à un nouvel amant, à savoir la victime du sort. Les Royaumes de Sorcellerie pour WFRP1 contiennent deux sorts pour la magie d'Améthyste, associée à la mort, appelée Caresse inférieure de Laniph et Caresse de Laniph, sans plus de détails sur le personnage.

Jasmina el Al est pour sa part un personnage important du roman Blade of Chaos. Il semblerait qu'elle soit Princesse de Copher et qu'en 1700 CI, onze ans avant les événements du livre, elle ait subi un rituel nommé  she'al akra consistant à emprisonner l'essence d'un démon ou d'un djinn, la différence ici n'est pas exprimée. Considérée comme trop jeune et trop inexpérimentée pour le mener à bien, elle maintient cependant le contrôle durant onze années, prouvant ainsi sa puissance. Elle fait plusieurs fois la démonstration au cours du récit de la capacité de lancer des sorts et d'invoquer des djinns.

Nous avons ici deux exemples de femmes adeptes de la magie, l'une suffisamment influente pour être reconnue de nombreuses années après sa mort y compris au sein des Collèges de Magie impériaux, et l'autre suffisamment puissante pour finaliser un rituel hautement dangereux. Ces exemples montrent que les Arabiennes ont parfaitement accès à la magie, à son étude et à l'apprentissage savant en général, pour peu qu'elles en aient les moyens.

Fabio Fabbi - Beautés du harem au marché

La femme du marchand de Swamp Town

Totalement anecdotique, mais il s'agit de la femme d'un Arabien donc mentionnons-la ! Dans le roman The Burning Shore de Robert Earl, Ali est un marchand arabien basé à Swamp Town, ville côtière de Lustrie. Voici un échange avec un client :

“Very well, Ali. Seeing as we’re friends I’ll give you thirty crowns each for the barrels.”

“Would that I could,” the merchant wrung his hands, pleased that his customer was at least attempting to be polite. “But if my wife found out she would sleep with her legs closed for a month.”

“Yes, women are never reasonable.”

“Even if I sold them to you for thirty-eight a barrel she would call me a fool and a squanderer of our daughters’ dowries.”

“And if I paid more than thirty-two, my men would kill me for a thief as soon as we entered the jungle.”

For a moment the two men stood and frowned, perhaps saddened by the thought that the world was cruel enough to drive them, two old friends, to such an impasse.

Un classique passage de marchandage par un commerçant arabien, mais celui-ci laisse entendre qu'il a peu de contrôle sur sa femme. Un autre passage, plus loin, fait très rapidement intervenir la femme d'Ali :

They were going to the southern jungle.

Oblivion.

“What a waste,” Ali muttered later that night, his thoughts haunted by images of the expedition’s coins and armour mouldering away between cleanly picked bones.

“Yes,” his wife surprised him by agreeing. Her own thoughts full of the bronzed young men that were carrying that wealth into the doom of a Lustrian jungle. “What a waste.”

Ces deux passages n'ont que peu d'intérêt, mais je les retiens ici pour soucis d'exhaustivité et parce que cette épouse, Arabienne ou non mais femme d'Arabien, semble ne pas être être prompte à une soumission aveugle à son époux. La présence de dots pour les filles est ici rappelée, bien qu'il ne s'agisse visiblement pas d'une famille noble.

Blood on the Reik
Du Sang sur le Reik

Le livre Blood on the Reik, de Matt Ralph's, contient quelques pages sur l'Arabie et présente plusieurs illustration représentant, pour l'auteur intradiégétique de l'ouvrage, les Arabiens rencontrés en route. Il y a deux croquis de femmes, l'une Arabienne et l'autre des Terres du Sud. Les illustrations sont très typées, et on ne sait pas trop quels sont les milieux sociaux ou culturels des personnages rencontrés, mais il est intéressant de noter que la deuxième esquisse a été reprise comme base, presque au détail près, pour l’illustration de la carrière de Marchand présente dans WFRP4. De toute évidence une négociante en provenance d'une des cités arabienne du nord-ouest des Terres du Sud donc, si l'on croise les deux sources. Etant donné le trajet vers l'Empire, les épées ne sont probablement pas de trop pour parer aux attaques de pirates, monstres et autres vaisseaux fantômes ou embarcations de Peaux-Vertes qui hantent l'océan.

WFRP4

Conclusion

Ce petit recensement des différentes représentations dans les sources officielles est certes court, mais me semble permettre d'emblée de balayer d'un revers de main bon nombre de clichés sur les femmes dont on voudrait affubler les Arabiennes de Warhammer en les rapprochant, à tort ou à raison, de l'un ou l'autre peuple de notre bonne vieille Terre. Clichés qui ne seraient pas applicables non plus à notre monde, tant historiquement ce qu'on présente trop souvent de nos jours comme typiquement arabe ou turc ne l'est en fait pas du tout. Comme je l'indiquais en introduction, et encore une fois sans vouloir lancer aucun débat théologique, la représentation moderne de la femme musulmane, uniformisée et  malheureusement politisée, ne représente en aucun cas la diversité culturelle historique du monde musulman. Et j'insiste ici sur la différence entre culture et religion : tout chrétiens qu'ils sont, Français, Allemands, Italiens, Espagnols, Brésiliens, Espagnols adaptent coutumes, traditions, habillements à leur culture locale, qu'importe la volonté de centralisation et d'uniformisation. Il suffit de se documenter par exemple sur les représentations asiatiques, chinoises ou japonaises pour constater que si les thèmes sont toujours les mêmes, ils sont systématiquement adaptés à la culture, au style et aux traditions locales. Il en va de même pour l'islam, et si le sujet vous intéresse, je vous renvoie par exemple à l'ouvre Islamic Art de Barbara Brend, que j'ai personnellement acheté au terme de la visite de l'Alhambra à Grenade. De part et d'autres de cet article, vous trouverez trois photos d’œuvres recensées dans cette ouvrage et montrant des femmes, représentées dans un contexte musulman et on constate aisément les différences stylistiques mais aussi les différences vestimentaires, témoignant d'une diversité tout au long de l'histoire de l'islam. Ainsi, qu'on parle de notre bonne vieille Terre ou du monde fictif de Warhammer qui s'inspire des clichés de notre histoire et de ses représentations, il n'y a aucune raison d'associer les femmes à de simples vêtements couvrants ou même à un simple voile ou de les cantonner à un rôle subalterne.  

Barbara Brend -
Islamic Art

Dociles, réservées, obéissantes, cachées, les Arabiennes ne le sont pas. Les sources montrent des femmes entreprenantes, libres de leurs choix, puissantes et influentes ou au contraire modestes mais loin d'être contraintes intellectuellement ou physiquement. Et c'est une bonne chose ! Historiquement, les femmes des mondes perses ou arabes, si elles subissent toujours le poids de la culture, n'en sont pas moins importantes ou capables de faire de choix et, quand elles ne l'ont pas, de réussir parfois à s'imposer tout de même. Des personnages historiques ou légendaires certes, mais également des gens du commun. Je citerai ici un passage du Livre des Charlatans de Jamāl al-Dīn ʿAbd al-Raḥīm al-Jawbarī, qui au fond me fait penser au passage sur la femme d'Ali plus haut comme exemple que dans le couple, l'homme ne commande pas toujours, loin de là : 

Elle s'est assise sur un banc et a commencé à enlever ses chaussures. Elle en avait enlevé une lorsqu'elle a aperçu son mari assis à côté de nous ! Quand elle l'a vu, elle n'a pas eu peur, ne s'est pas cachée et n'a pas reculé devant lui. Au contraire, elle a pris une de ses bottes et l'a attaqué avec, alors que l'autre était encore sur son pied. Elle ne s'est pas retenue et n'a pas montré de peur, mais elle l'a attrapé par sa coiffe et a continué à le frapper avec la botte jusqu'à ce que l'homme s'évanouisse presque. Elle l'a ensuite saisi par la barbe et l'a traîné hors de la salle de séjour en disant : "Maquereau ! Tu es toujours en train de te fourrer dans un endroit ou un autre. Cela fait treize points d'eau dans lesquels tu as mis ton nez aujourd'hui ! Combien de fois vas-tu encore l'y fourrer ?" 

Jamāl al-Dīn ʿAbd
al-Raḥīm al-Jawbarī - 
Le Livre des Charlatans

Puis elle le traîna dans la ruelle et dit à un homme : "Prends cette pièce d'argent et va me chercher le serviteur du juge !" Nous sommes descendus vers elle, lui avons demandé de remonter et lui avons baisé les mains, tandis qu'elle s'exclamait : "C'est vous qui corrompez mon mari, et la catin que vous avez avec vous est la sienne !" Nous lui avons juré que ce n'était pas vrai et lui avons demandé de rentrer avec nous, mais elle a dit : "Je ne le quitterai pas tant qu'il n'aura pas juré, sous la menace du divorce, qu'il ne remettra plus jamais les pieds dans cette rue !", alors l'homme a juré cela et lui a dit : "Rentre chez toi !", mais elle a dit : "Je jure devant Dieu que je n'entrerai plus jamais chez toi, ni de jour ni de nuit ! Je pars au Caire, chez ma sœur. Prends tes clés et va-t'en ! Je jure que si tu me suis ou si tu essaies de m'atteindre de quelque manière que ce soit, la prochaine chose que tu sentiras sera une gifle comme tu n'en as jamais ressentie de ta vie et je te poursuivrai en justice pour cent pièces d'or égyptiennes !"

Comme dans Warhammer, tout est question d'individus, aussi bien la principale concernée que son entourage, et il me semblerait absurde de généraliser l'indépendance d'action ou de pensée de ces quelques exemples à toutes les femmes arabiennes. Mais il me semblerait tout aussi absurde de craindre qu'au contraire l'univers de Warhammer en fasse de facto des êtres dociles et obéissants : ces mentions officielles prouvent le contraire.

Illustration d'une copie du Varqah u Gulshah
vers 1225, Konya en Turquie

En terme d'habillement, les sources évoquent tant des robes que des pantalons, des gilets, des hauts sans manche, des voiles couvrant ou non le visage, etc. Il est donc aisé d'aller chercher de l'inspiration du côté des tenues traditionnelles et vêtements usuels d'Afrique du Nord, du Proche et du Moyen Orient comme le seroual, le kaftan, le haïk, le burnous ou encore le karakou. De quoi marquer des différences régionales voire simplement communautaires.

Je conclurai sur une nouvelle citation du  Livre des Charlatans, que vous pouvez utiliser aussi bien comme illustration de la vision caricaturale de la femme dans le monde de Warhammer que dans le monde musulman médiéval, caricature représentant elle-même la façon dont certains intellectuels se plaignent de la liberté de pensée et d'action de leurs filles, épouses, mères :

Les femmes sont plus rusées, plus sournoises, plus traîtresses, plus audacieuses, plus impudiques que les hommes. Leur cœur ne connaît pas la peur. C'est parce qu'elles sont mentalement et moralement défectueuses, et qu'elles ne possèdent pas l'honneur et la fiabilité de l'homme.

Je vous épargne la suite, continuation misogyne du passage ci-dessus, pour en venir directement au fin mot de l'histoire : vous voulez représenter une Arabienne badass qui part à l'aventure, qui se mêle de ce qui ne la regarde pas et que les hommes craignent essentiellement parce qu'ils n'ont pas de contrôle sur elle ? Aucun problème : il n'y a absolument rien, ni dans Warhammer ni dans ses inspirations du monde bien réel qui vous en empêche. Au contraire, c'est documenté !