lundi 29 juillet 2024

Le Dieu Hurlant / The Screaming God

Le "Screaming God-Child",
Warhammer Monthly 28
(English translation is available below)

Ce blog n'est pas mort ! En revanche j'ai peu de temps ces derniers mois, ce qui couplé à non pas à un manque d'inspiration mais à des difficultés à retranscrire mes idées "sur le papier" a malheureusement ralenti tous mes projets. Je vais tâcher de m'y remettre. De plus, je me suis rendu compte que travailler dans deux langues, non pas pour les textes en eux-mêmes mais pour ce qui des règles dans les cas où je peux proposer des profils de personnages ou des carrières, est épuisant. Dans la mesure où j'essaie de proposer des choses pour WFRP4 également (en terme de règles, puisqu'en terme de lore je m'efforce de prendre en compte toutes les éditions), j'en suis à travailler quatre fois la même chose : WFRP2, WFRP4, français et anglais...ce qui freine considérablement tous mes efforts.

Voilà longtemps que je n'avais pas exploré un peu les Royaumes du Chaos. Cet article fait suite à d'autres, évoquant des entités chaotiques vénérées comme des divinités. Inférieures aux Quatre, ces créatures n'en restent pas moins de puissants patrons (ou ennemis) et peuvent influer sur la réalité, accaparant des âmes et de la dévotion pour leur propre profit ou pour celui de leur maître. Nombre de ces entités sont des démons totalement inféodés à l'un des Quatre mais disposant de suffisamment d'autonomie pour exister par eux-mêmes. On peut y dénombrer les membres de la cohorte de Khorne, ou encore Belus Pûl qui sert Slaanesh. D'autres sont indépendants et ne doivent pas leur réalité aux quatre Frères. C'est le cas de la déité qui sera évoquée ici.

Contrairement aux cas précédents, qui se basaient généralement sur une mention unique et développés autour du concept officiel, je propose ici une fusion d'éléments disparates qui une fois réunis forment il me semble un ensemble cohérent. Cette "chimère fluffique" n'est toutefois pas aléatoire et repose sur des éléments concordants qui, une fois mis bout à bout, permet d'étoffer le tout. Kka n'a été mentionné qu'une seule fois en tout et pour tout, dans le First Citadel Compendium d'octobre 1983. Il y est décrit comme un "godling", une déité dont on ne prononce visiblement pas le nom à la légère, dans la description de la harpie corrompue Ngaaranh. Cette dernière a reçu de nombreuses faveur de Kka, notamment une multitude d'yeux. Le Dieu-Enfant Hurlant quant à lui appartient à l'histoire de Malus Darkblade et figure aussi bien dans les comics que dans un des romans relatant son histoire, Le Seigneur de la Ruine, par Dan Abnett et Mike Lee. On remarque notamment l'absence de cavités oculaires, élément superficiel mais que je trouve amusant de rapprocher de la multitude d'yeux de Ngaaranh.

Le Dieu-Enfant Hurlant est emprisonné dans son propre domaine des Royaumes du Chaos, un château empli de démons et scellé par les Quatre Puissances de la Ruine, visiblement inquiets qu'il puisse un jour se libérer. Un élément que je rapproche volontiers de la Grande Bête, ce concept présenté notamment dans WFRP2 et qui suppose que les Quatre ne sont que des aspects d'une unique entité, assimilée au Chaos Indivisible et symbolisée par l'étoile à huit branches du Chaos. Et devinez qui porte cette fameuse étoile comme symbole ? Le Dieu Hurlant. Le Seigneur de la Tyrannie est pour sa part mentionné dans la nouvelle Mark of the Beast de Jonathan Green, où il est vénéré par une harde d'Homme-Bêtes sans que ses fidèles lui donnent un nom. La boucle est bouclée et on en revient à Kka, patron d'une autre bête du Chaos et dont le nom ne doit pas être prononcé à la légère. Mélanger toutes ces entités pas ou peu définies aboutit naturellement à une déité secondaire, plus ou moins en gestation car scellée par les Quatre car potentiellement à même de les menacer si elle venait à se révéler complètement et qui en conséquence de ce scellement n'a que peu d'impact sur le monde de Warhammer, si bien qu'il lui faut passer par des bêtes pour infiltrer la réalité et la contempler à travers leurs yeux.

Kka

Le Dieu Hurlant, la Grande Bête, le Seigneur de la Tyrannie

Kka est une curiosité au sein des Royaumes du Chaos. Trop insignifiant pour avoir un impact réel sur le monde, trop ancien pour être considéré comme une Puissance en devenir mais trop ténu pour être reconnu comme une divinité majeure, tout en étant trop dangereux pour être ignoré par les Puissances de la Ruine, le Dieu Hurlant est un paradoxe en soi, un énorme potentiel qui ne s'éveillera jamais, une force inévitable mais qui ne sera jamais libérée. 

Au sein des Royaumes comme ailleurs, Kka tend à se présenter sous une forme en apparence presque anodine bien que dérangeante : celle d’un jeune garçon souriant et avenant au crâne lisse, mais dépourvu de visage hormis une large bouche déformée la plupart du temps par un large sourire. Ceux qui ont le malheur de le voir sous cet aspect mésestime presque systématiquement sa dangerosité, car il a l'air affable autant que relativement frêle. Heureusement, Kka a tellement peu d'influence sur le monde que les individus amenés à l’entrapercevoir sont soit déjà largement engagés sur les voies de la damnation et n'ont presque aucune chance d'échapper à leur destin, soit arpentent les Royaumes du Chaos et leurs chances de survie sont déjà infinitésimales.

Zones d'influence

Kka est principalement vénéré par des Hommes-Bêtes et d’autres créatures inhumaines. Une multitude de hardes le révèrent comme le Chaos Indivisible, la Grande Bête tapie dans l’ombre des Quatre. Il est celui qui leur apportera enfin la domination sur le monde, cette réalité qui leur revient de droit. Certaines de ces hardes l’ont adopté comme dieu unique, seul véritable représentant du Chaos, tandis que d’autres le place à la tête du panthéon où trônent également Khorne, Slaanesh, Tzeentch, Nurgle, Zuvassin et d’autres entités. Cependant, tous les hommes-bêtes sont très loin de reconnaître son autorité et il ne fait jamais partie des Puissances vénérées dans les hardes qui consacrent leurs prières à l’un des Quatre en particulier. En effet, Kka est une menace et aucun fidèle d’une des Puissances majeures des Royaumes du Chaos ne pourrait s’associer directement au Seigneur de la Tyrannie ou ses adeptes.

Malgré sa puissance et le danger qu’il représente pour les autres entités chaotiques, Kka ne dispose que d’une influence limitée. Il est confiné au sein des Royaumes du Chaos dans son propre plan, l’Altérité, et de puissants démons majeurs inféodés aux Quatre l’empêchent de s’en évader. Il réside donc dans son palais, reclus, entouré des âmes déchues rendues folles par le Chaos et par une horde de démons inférieurs soumis à son bon vouloir, sans jamais pouvoir réellement posséder une quelconque influence sur l’extérieur. Ceux qui s'aventureraient sur son territoire pourraient cependant lui servir provisoirement de véhicule ou de de repère pour s'aventurer au delà de l'Altérité, mais une telle situation ne pourrait survenir qu'en arpentant véritablement les Royaumes du Chaos et en pénétrant son domaine, les risques sont donc très faibles. Il aura ainsi plutôt tendance à se servir d'autres entités chaotiques, comme de puissants démons indépendants qui échapperaient à l'influence des Quatre, pour espérer affaiblir les défenses mises en place par ses geôliers.

Symboles

Le symbole de Kka est principalement l’étoile à huit branches qu’on attribue habituellement au Chaos Indivisible, ce qui contribue grandement à lui donner une aura de mystère. Certains le considèrent comme la Grande Bête, cet être originel qui se cacherait derrière les Quatre Puissances de la Ruine et qui un jour les éclipsera complètement, lors de son réveil. Bien évidemment les adeptes des quatre principales divinités du Chaos ainsi que la grande majorité des autres rejettent absolument cette idée. Il serait en effet inconcevable que l'objet de leur vénération ne soit qu'un aspect, un reflet déformé d'une réalité plus grande.

Tempérament

Kka est une entité facétieuse et autoritaire qui se cache derrière l’apparence affable d’un jeune homme étrange. Accueillant et serviable au premier abord, son esprit carnassier et sa soif inextinguible de revanche le rendent colérique et, pour peu qu’on l’irrite trop, il est capable de la plus grande des violences. Il recevra volontiers ses hôtes avec goût et répondra avec plaisir et politesse à leurs interrogations, mais pourra s’offusquer de la moindre incartade et déchiquettera les importuns, mortels comme démons. En réalité, l’instabilité de Kka est telle que n’importe quelle réaction ou absence de réaction pourrait être considérée comme une incartade, et rencontrer le Dieu Hurlant équivaut la majorité du temps à une condamnation à mort.

Kka méprise profondément les autres Puissances, sans distinction, bien qu’il puisse trouver les Renégats amusants voire utiles. En effet, le fait que les Quatre le maintiennent prisonnier depuis des millénaires le pousse à faire tout ce qui est en son maigre pouvoir pour gêner ses geôliers, et pourra à l'occasion prêter main-forte à des entités comme Necoho ou Zuvassin. La réciproque est vraie également et assister Kka dans sa quête de liberté peut s'avérer tentant pour les Puissances inférieures : Necoho pourrait prouver la vacuité de la vénération des Quatre car ils n'ont pas d'existence réelle si la Grande Bête est réelle, Zuvassin quant à lui ne pouvant que se réjouir de semer le chaos au sein de son propre panthéon. Malal pourrait vouloir s'en servir pour affaiblir les Quatre, mais déteste Kka tout autant qu'eux. D'autres Renégats, comme la Reine des Corbeaux, seraient probablement plus enclines à s'associer à Kka si cela leur permettaient de prendre leur revanche sur les Puissances majeures de la Ruine. Il serait même possible pour des entités vassales, comme Gorth ou Belus Pül, de tenter de se servir du Seigneur de la Tyrannie pour peut-être obtenir leur indépendance.

Le culte de Kka

Le Seigneur de la Tyrannie n'a aucun culte organisé au sein des races civilisées, tout au plus quelques illuminés ayant découvert son nom au détour d'un livre interdit. De façon générale, seuls ceux qui se sentent opprimés et ne trouvent comme échappatoire que la haine de l'Humanité pourraient entendre le Dieu Hurlant souffler dans leurs rêves, les encourageant à se rebeller et à lutter contre ceux qui les écrasent. Toutefois, la rébellion que prône Kka n'a pas pour objectif la liberté, mais le remplacement, et ceux qui suffoquent dans leur condition sont invités à écraser leurs oppresseurs et se substituer à eux pour, à leur tour, dominer autrui.

Ngaaranh dans le First Citadel Compendium
Les Hommes-Bêtes, eux, seront plus enclins à faire appel à lui, et des groupes assez larges peuvent louer le Seigneur des Bêtes et invoquer sa puissance, qu'il s'agisse d’une figure tutélaire unique ou qu'il appartienne à un panthéon plus large. Kka a la particularité de s'adresser à des créatures que beaucoup considèrent comme à peine plus intelligentes que des animaux mais qui pourtant possèdent un discernement certain, bien que bestial. Ainsi, des harpies mais aussi des bêtes plus imposantes comme des manticores ou des chimères, peuvent se retrouver sous l'emprise de Kka et certaines finissent par être suffisamment malléable pour permettre à Kka de leur accorder ses bénédictions, généralement des mutations accentuant leurs traits les plus bestiaux. Ngaaranh en est l'exemple le plus parfait, une harpie élevée au rang de champion de Kka et arborant de nombreuses manifestations physiques des faveurs de son dieu, notamment une profusion d'yeux qui permettent à la Grande Bête d'observer le monde à travers sa servante la plus fidèle. Malheureusement pour le Dieu Hurlant, ses sujets les plus dévots vivent le plus souvent en marge des sociétés et ne peuvent ainsi lui donner accès à un plus grand nombre d'individus. Sa puissance, masquée par les sceaux des Quatre reste donc confinée à des êtres qui ne pourront jamais propager sa parole.

Comment utiliser le culte

Le manque d'influence de Kka sur le monde de Warhammer en limite nécessairement l'usage lors d'une campagne narrative, mais il n'est pas pour autant totalement inoffensif ou hors d'atteinte. Une harde d'Homme-Bêtes ou l'un des très rares humains servant Kka pourrait en particulier cibler les servants d'un des Quatre, le Seigneur de la Tyrannie cherchant à affaiblir les sceaux le retenant prisonnier. Il pourrait s'agir de mettre la main sur une relique ou un ouvrage qui recèlerait le pouvoir nécessaire pour lever une partie de la malédiction qui pèse sur lui. Il serait même possible que les Personnages lui prêtent assistance sans s'en rendre compte de multiples façons : il serait certainement héroïque de prendre d'assaut un lieu de culte secret dédié à un des Quatre, mais comment les Personnages pourraient-ils avoir conscience qu'en mettant à bas l'autel servant aux sombres rituels des cultistes, ils brisaient par la même occasion l'une des antiques clés retenant l'essence même de Kka ? Comment pourraient-ils savoir que détruire un artefact d'origine clairement chaotique ne ferait qu'affaiblir les protections mises en place par les Puissances de la Ruine pour contenir l'éveil de la Grande Bête ? L'ironie résultant d'une catastrophe imminente elle-même engendrée par la volonté de lutter contre le Chaos pourrait être un puissant ressort scénaristique et, pour peu que la chose soit dissimulée au sein d'une longue campagne mettant les Personnages aux prises avec divers groupes chaotiques, pourrait constituer le point d'orgue d'une longue lutte contre les Puissances de la Ruine.

Kka n'a pas la possibilité d'agir directement sur la réalité mais peut se servir des êtres les plus influençables pour l'observer et, parfois, légèrement guider leurs actions. Plus que tout autre divinité chaotique, Kka restera donc la menace tapie dans l'obscurité qui n'aura une influence directe sur le cours de l'histoire qu'à la toute fin, lorsque ses sceaux seront sur le point de se briser. Il est l'ombre inoffensive à laquelle personne ne prête attention jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Un personnage anodin pourrait lui être inféodé et profiter du manque d'intérêt des Personnages pour lui pour, par exemple, fournir à ses alliés Hommes-Bêtes une précieuse relique ou l'opportunité d'investir massivement une petite cité. Des Personnages Hommes-Bêtes pourraient lentement être attirés par d'insidieuses promesses, celles d'enfin recouvrer leur place dans la hiérarchie des êtres conscients et de renverser l'Humanité illégitime qui leur a volé leurs terres.